Le droit collaboratif et la procédure participative

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Le droit collaboratif et la procédure participative. Par Véronique Levrard, Avocat
vendredi 1er juillet 2011

Adresse de l'article original :
http://www.village-justice.com/articles/droit-collaboratif-procedure,10489.html
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Le droit est en constante évolution et les techniques de règlement des conflits aussi.

Dans un contexte de déjudiciarisation du contentieux familial, la pratique a pu amener les avocats à réfléchir à de nouveaux modes alternatifs de règlement des conflits, ou MARC en abrégé. Le droit collaboratif s’inscrit dans ce mouvement.



L’origine du droit collaboratif[edit]

L’avocat américain Stuart Webb a instauré la pratique du droit collaboratif en 1990 dans l’état du Minnesota aux États-Unis. Las des conflits improductifs, l’américain a voulu résoudre les litiges par la négociation et a défini une méthodologie de négociation mettant au premier plan les clients.

Son approche innovatrice a depuis fait des adeptes un peu partout sur le sol américain, mais aussi au Canada, si bien qu’un groupe de droit collaboratif s’est créé au Québec en 2002.

Le droit collaboratif a ensuite traversé l’Atlantique et des formations ont été organisées en France depuis quelques années (par des formatrices canadiennes), si bien qu’une pratique commence à se développer aussi chez nous, principalement en droit de la famille.

Dans le cadre d’une volonté politique de déjudiciarisation du contentieux familial, la Commission GUINCHARD a commencé à s’intéresser à ce mode alternatif de règlement des conflits en 2008, lorsqu’elle a été instituée et s’en est largement inspirée dans ses recommandations.


L’esprit du droit collaboratif[edit]

Le processus collaboratif est une méthode de résolution amiable des conflits, alternative au règlement judiciaire.

Il s’agit en droit de la famille, pour les parties de se séparer dans la dignité, et de décider d’un commun accord des conséquences de leur séparation.

Les parties trouvent elles-mêmes les solutions de leur litige plutôt que d’en confier la résolution à une personne extérieure. Cette solution bénéficie en premier lieu aux enfants, dont l’intérêt est respecté, en identifiant les besoins et les motivations de chacune des parties et en apaisant les tensions.

Il s’agit en effet de trouver la meilleure solution possible en prenant en compte l’ensemble des données familiales et personnelles, en organisant les priorités.

Le droit collaboratif familial est une approche innovatrice pour résoudre les conflits juridiques familiaux.

Dans ce cadre, les parties sont assistées chacune de leur avocat, spécialement formé au droit collaboratif, dont le rôle consiste à leur apporter ses connaissances juridiques et son expérience et à animer la négociation entre elles.

La qualité de la discussion instaurée entre les parties et les avocats collaboratifs assure la pérennité de l’accord.


L’intérêt du droit collaboratif appliqué au droit de la famille :

  • Ce sont les parties qui prennent les décisions.
  • Le processus collaboratif exige la participation active des deux parties, cible les intérêts respectifs de celles-ci, vise à préserver les enfants du litige, diminue l’hostilité, permet d’envisager en commun l’avenir de la parentalité. Le taux de succès du droit collaboratif est particulièrement élevé (plus de 80 % des cas résolus outre Atlantique). Toutefois, si l’un des conjoints choisit d’arrêter le processus, chaque avocat doit se retirer et cesser d’agir pour son client après avoir assuré un transfert ordonné du dossier.
  • Ce sont les parties qui contrôlent le processus ; sa durée varie en fonction du temps requis selon chaque situation.
  • Les parties doivent participer ouvertement et honnêtement, divulguer toute l’information pertinente sur leur situation personnelle ou financière et traiter leur conjoint avec respect.

Cette pratique commence à se développer en France grâce à certains avocats qui se sont spécialement formés avec l’aide d’avocats collaboratifs canadiens.

Au sein du Barreau d’ANGERS, nous avons créé une association regroupant ces avocats en juillet 2006 : l’AAADC (Association Angevine des Avocats en Droit Collaboratif).


La mise en œuvre du droit collaboratif[edit]

Le droit collaboratif repose sur un véritable contrat, signé par les parties et leurs avocats, qui s’engagent dans la recherche d’une solution négociée, dans un contexte encadré leur permettant de travailler en équipe et de concert.

L’objectif est la recherche de solutions viables, choisies par les parties, afin de mettre un terme au différend qui les oppose. Le climat de collaboration réduit le stress associé à tout conflit.

Le droit collaboratif utilise les techniques de communication : écoute active, reformulation et celles de la négociation raisonnée.

La maîtrise de ce processus nécessite une formation préalable pour permettre de dégager des solutions voire LA solution au litige. Le processus en six étapes

1. La première consultation entre l’avocat et le client[edit]

L’avocat présente le droit familial collaboratif, la médiation et le litige. Si le client choisit le droit collaboratif, le client peut soumettre lui-même cette approche à l’autre conjoint ou encore, l’avocat collaboratif peut envoyer une lettre à l’autre conjoint l’invitant à considérer ce processus.

2. Le premier contact avec l’autre partie[edit]

Une fois que les deux conjoints ont convenu de procéder par le processus de droit collaboratif et qu’ils ont chacun leur avocat collaboratif, un premier contact s’établit entre les deux avocats. Ils déterminent les points urgents et majeurs et les préoccupations de leurs clients respectifs qui seront à l’ordre du jour pour discussions et négociations à la première rencontre de règlement.

3. La préparation du client[edit]

L’avocat rencontre son client pour connaître à fond les faits et les conflits de façon à cerner ce qu’il veut vraiment. L’avocat explique à son client quels sont ses droits et ses obligations. Il lui explique également le déroulement d’une rencontre de règlement et le rôle de chaque participant. Il parle des outils de communication à utiliser pour avoir des discussions et des négociations positives et constructives basées sur les intérêts respectifs des conjoints.

4. La première rencontre de règlement[edit]

Après les présentations d’usage, une entente de participation en droit familial collaboratif est lue. Les avocats répondent aux questions que les clients pourraient avoir sur cette entente. Lorsque tous sont d’accord sur cette entente et qu’ils s’engagent à la respecter, elle est signée par les quatre participants (conjoints et avocats).

Par la suite, on identifie les problèmes à être négociés en donnant priorité à ceux qui sont considérés les plus urgents à résoudre. La négociation commence.

On termine cette étape en déterminant quels seront les informations et les documents à échanger pour la prochaine rencontre de règlement, ainsi que les tâches qui devront être faites pour cette prochaine rencontre. Un échéancier des prochaines rencontres de règlement est établi. Au terme de cette première rencontre, l’avocat et son client font le point et les avocats font un suivi. Lors des rencontres, un compte rendu est rédigé par l’un des avocats et soumis aux trois autres participants pour approbation.

5. Les rencontres de règlement subséquentes[edit]

La négociation se continue d’une rencontre à l’autre en identifiant les points en litige et en travaillant en étroite collaboration dans la recherche de solutions pour arriver à une entente.

6. Le règlement et clôture[edit]

Les avocats rédigent une convention de règlement dans un langage clair et compréhensible pour les conjoints. Autant que possible cette convention est révisée et signée en présence des quatre participants pour ainsi clôturer le processus. Ensuite les conjoints pourront faire homologuer cette entente par le tribunal en produisant à la Cour les procédures appropriées.

Le droit collaboratif est donc un processus qui permet aux conjoints de continuer à se parler et à négocier en présence l’un de l’autre, et en présence de leurs avocats, pouvant ainsi bénéficier des conseils de leurs avocats respectifs au fur et à mesure du déroulement du processus. Ce processus aide et encourage à maintenir les communications entre les conjoints et de progresser dans la recherche de solutions. Les négociations se font sur la base des intérêts des membres de la famille ; les parents peuvent alors exprimer quels sont leurs besoins et leurs désirs, ainsi que ceux de leurs enfants.


L’instauration de la procédure participative en droit français[edit]

La procédure participative a été consacrée par la Loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires qui est publiée au Journal officiel.

Cette Loi dite Béteille, limitée à la matière civile, vise dans son ensemble à améliorer l’exécution des décisions de justice, à redéfinir l’organisation et les compétences de juridictions et à rénover les conditions d’exercice de certaines professions réglementées : huissiers de justice, notaires et greffiers des tribunaux de commerce.

Elle est une des suites directes du rapport deposé en juin 2008 par la Commission GUINCHARD, qui s’est très largement inspirée du droit collaboratif tel qu’il existe outre Atlantique, tout en lui apportant certaines modifications, en instituant un droit de suite pour les Avocats, si la convention de procedure participative n’aboutit pas à un accord ; ils pourront donc suivre la procédure en contentieux.

Elle instaure la convention de procédure participative par laquelle « les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend (C. civ., art., art. 2062 et s.). La convention doit être écrite. Toute personne assistée de son avocat peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition, sauf dans certaines hypothèses (contrat de travail notamment).

La Loi a précise en outre que : « Nul ne peut, s’il n’est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil  ».

Tant qu’elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour qu’il statue sur le litige. Toutefois, l’inexécution de la convention par l’une des parties autorise une autre partie à saisir le juge. L’accord peut être soumis à l’homologation du juge.

Elle pourra servir d’écrin procédural au processus collaboratif stricto sensus le cas échéant.


En cas d’intervention d’un accord pourront aussi sans doute être utilisées les nouvelles dispositions relatives à l’Acte d’Avocat, qui vient également d’être récemment consacré par la Loi.


Véronique LEVRARD Avocate [->veronique.levrard@wanadoo.fr] http://avocats.fr/space/veronique.levrard